abbasiya

juin 30, 2016

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abbasiya

une installation d’inspiration tunisienne

mohamed-ali kammoun, compositeur véronique verstraete, plasticienne

du 30 juin au 17 juillet
du jeudi au samedi | de 10h30 à 12h et sur rendez-vous chabrolles – site patrimonial de la chaux, beffes

abbasiya est une pièce électronique qui se présente sous la forme d’une installation et qui existe dans une version avec percussion live. elle s’inspire directement des arts décoratifs et de la tradition musicale de l’archipel tunisien de kerkennah. mêlant musique tunisienne, jazz, musique symphonique et arts visuels, abbasiya est une partie d’une composition plus ambitieuse qui regroupera plusieurs «portraits» musicaux des différentes régions de Tunisie. cet ensemble visuel et sonore s’appelle les 24 parfums. d’ores et déjà une caravane composée des musiciens parcourt la tunisie pour la création de ces parfums. c’est un projet de création orchestrale de mohamed-ali kammoun, pianiste, compositeur et arrangeur tunisien. la première partie intitulée préludes invite à un voyage imaginaire inspire de fortes sensations vécues de la tunisie, avant et après le 14 janvier 2011. des pièces instrumentales s’enchainent, chacune portant le nom d’un lieu symbolique. abbasiya, nom de l’un des plus beaux villages de l’archipel, est l’un de ces préludes. raouf karray crée les visuels par le dessin, véronique verstraete crée l’espace des 24 parfums.

les recherches de véronique verstraete, présentes dans diverses collections publiques et privées en europe, envisage l’œuvre d’art dans certaines fonctionnalités, et s’établissent dans une constante relation avec le corps, au repos ou en mouvement, du visiteur. le contexte architectural, social, humain, économique ou historique fait intrinsèquement partie des pièces réalisées.

mohamed-ali kammoun, en plus d’être le musicien le plus récompensé des journées musicales de car- thage 2015 (4 prix), se prête bien souvent à des créations singulières. ses collaborations avec les acteurs de la danse contemporaine, du cinéma ou des arts visuels enrichissent et développent ses spectacles de création fusionnant musiques traditionnelles tunisiennes et divers langages musicaux orientaux et occidentaux. l’ouverture qui caractérise ces deux artistes donne a découvrir un ilot musical colore, motif unique à l’échelle d’un chemin à explorer.

véronique verstraete, plasticienne, et mohamed-ali kammoun, pianiste et compositeur, se rejoignent pour tisser une pièce sonore et visuelle. abbasiya est une installation issue de la pratique de chacun de ces deux artistes, des vocabulaires musicaux et plastiques que chacun développe individuellement et du travail qui a été mené dans le cadre de cette création. fethi gharsallah (tbal) et hatem amous (bendir) sont les deux talentueux musiciens que vous pourrez entendre dans abbasiya.

la forme des iles de kerkennah, leurs découpes en dent de scie face à la cote du golfe, les différents motifs des broderies et tapis, le point géométrique kerkennien, tout autant que la densité des paradigmes rythmiques de cet archipel, visibles notamment dans la forme al-shghol, ont inspire le motif colore dessine au sol ainsi que les sons qui l’éveillent.

le visiteur est invite à se promener sur cet espace insulaire sollicitant son regard et son écoute.

abbasiya est une création produite par cumulus / format raisins.  https://format-raisins.fr/
une étape de travail a été présentée à tunis en octobre 2015, sous le titre de kerkennah, mélodie visuelle, dans le cadre du festival e-fest, producteur de la création.

kerkennah, typologie d’une identité insulaire

kerkennah (qarqnā) قرقنة est un archipel au nord de la petite syrte, au large de la ville de sfax à environ 18 km du continent. une heure par ferry suffit pour débarquer au port de sidi youssef. la superficie des iles est d’environ 15 000 ha pour une longueur de cotes de 110 km. la population, qui n’est que de 15 000 habitants en hiver, dépasse de loin quatre-vingts mille en été.

l’archipel est constitue d’un ensemble de petites iles inhabitées, et de deux autres assez peuplées: l’ile de gharbi (ouest), mellita, puis l’ile de chargui (est) kerkena qui a donné son nom à tout l’archipel. ces iles comptent treize villages.

avec quatre saisons à peine nuancées, l’archipel subit une grande influence du climat semi-aride. la température est en général modérée. les pluies restent insuffisantes et irrégulières d’une année a l’autre. un vent souvent fort et sableux au printemps souffle du sud-ouest au sud-est. les iles sont basses. le point culminant est de 12 m. sur le plan végétal, l’archipel se caractérise par sa palmeraie de type spontané. on estime le nombre de palmiers à environ un million de pieds. c’est la plus grande oasis non irriguée en tunisie. pourtant cette palmeraie reste négligée et est en nette dégradation. j’ose dire en plein danger. on lance un appel pour la sauver…

quant à l’histoire des iles kerkennah, elle témoigne des liens très profonds entre l’archipel et son milieu maritime et naval d’où la vigueur de la portée méditerranéenne. grâce a ses vestiges archéologiques menaces par les voleurs « invisibles » et aux trouvailles qui remontent à l’ère antique, voire préhistorique, les iles kerkennah sont tout à fait adaptées à accueillir un musée d’antiquité et d’archéologie. la encore on lance un cri d’alarme pour secourir un grand patrimoine humain en net danger. dans une carte topographique réalisée au début du siècle écoule, les iles kerkennah comptaient un peu plus de trente sites archéologiques dont au moins trois constituaient des cites romaines et turques : el h’sar avec son site romain et sa tour ottomane, el abasiya ou vestiges de villas et de fours romains persistent encore, puis mellita avec sa forteresse turque de 12 mètres de hauteur. récemment on vient de découvrir non loin de cette dernière une magnifique mosaïque dans un champ parsemé de pierres taillées, des fragments de poterie et de petits morceaux de marbres. hélas le vestige a été a son tour détruit : « ils sont passe par la?»

concernant les ressources économiques, seule la mer répond aux divers besoins de ces marins pêcheurs qui déploient environ deux mille cinq cent voiliers et embarcations motorisées de différentes conceptions et de multiples dimensions pour exploiter de plus en plus difficilement des richesses en nette décroissance. mais la pêcherie fixe reste toujours l’activité la plus spécifique de nos iles. c’est la «charfya» شرفية que jean servonnet a défini comme suit: «circonscrire à marée haute une certaine étendue de mer, au moyen de cloisons artificielles pour qu’au renversement de la marée, le poisson entraîne par le courant de reflux, vienne se prendre dans des pièges convenablement disposes aux cours de ces cloisons ». vue à vol d’oiseau, une pêcherie ressemble à un grand v. les deux côtes sont constitues par des palmes fichées en terre. le sommet de l’angle se compose de deux chambres ou «diarsديار» en clayonnage, la «chambre de mort» aboutit à des nasses placées latéralement. tout l’archipel est entoure de ces pêcheries établies généralement par groupe de trois. le pêcheur visite ses pêcheries quotidiennement. suivant la saison, il y capture: soles, rougets, dorades, loups, dentes, mulets, anguilles, rascasses, espars, etc.. dans la «chambre de mort», il trouve parfois de gros poissons qui n’ont pu passer dans les nasses et qu’il prend au trident : l’ange (keţţaţ) كطاط, le violon (miħrāth) محراث, le marsouin (kelb bħar) كلب بحر. on doit insister particulièrement sur la haute aptitude de ces marins et artisans dans la transformation des constituants du palmier et du sparte en «charfya». pour ne pas aller dans les détails, on précise seulement que le marin a besoin de fabriquer pendant la saison morte environ 40 outils pour les fixer avec l’assistance d’un capitaine spécialiste «raïs el remou»رايس الرمو qui représente l’ingénieur de l’implantation et surtout du choix de l’orientation, et ce, dans une fête qui s’ajoute aux traditions de nos iles.

on rappelle aussi a propos de cette «charfya», déjà en nette dégradation, que seul à kerkena le citoyen a le droit de posséder des superficies dans la mer comme sur terre. Les beys turcs ont promulgue des lois qui reconnaissaient légalement ces propriétés.

mais il n’y a pas que la «charfya» qui réflète l’habileté du pêcheur kerkenien. au moins huit autres types de pêche- a filet ou par piégeage- résument presque tous les genres pratiques en méditerranée depuis de longs siècles. d’abord la capture de poulpes. les habitants de l’archipel ont depuis toujours appris a piéger les poulpes avec les moyens du bord. point d’engins compliques, le trident suffit. le pêcheur utilisait plusieurs moyens pour piéger le poulpe. dans les zones fréquentées par les poulpes, si la nature du sol le permet, le pêcheur construisait parfois des chambres par des pétioles. mais le plus souvent il posait de grosses pierres de calcaire tendre qu’il creusait avec des piquets pointus. en défaut de pierres modelables, on allait jusqu’à mouler des chambres en ciment. mais le problème est résolu après la mise a jours de petits pots «qārūr»قارور présentant des cavités.

quand le poulpe vient s’abriter dans ces pièges, un coup de trident bien dirigé, et la bête est prise. parfois même la pierre est hissée à l’aide d’un crochet, et la pieuvre est saisie à la main par un pêcheur adroit. le poulpe est battu jusqu’à ce que sa chair soit devenue molle.

ensuite vient s’ajouter la cueillette (ou la pêche) des éponges. cet animal marin était vraisemblablement assez abondant dans les fonds qui contournent nos îles. les pêcheurs de kerkennah cueillaient les éponges soit par le moyen le plus rudimentaire avec les pieds (taâfīs) تعفيس ou à l’aide d’une sorte de drague dite gangave (el kis) كيس qui est interdit de pêcher à moins de vingt mètres de profondeur, mais depuis la fin du XIXème siècle les kerkeniens ont pu maîtriser efficacement ce genre de pêche grâce aux moyens apportés par les grecs.

la «méditerranéité» des kerkeniens ne revient pas seulement aux moyens communs de la pêche. on peut ajouter à cette dimension la ressemblance entre les costumes des musiciens danseurs (ezzaffana) الزفانة des îles kerkena et ceux de l’île de crète. selon alpord, cette sorte de robe blanche plissée rappellerait la fostenella crétoise. andré louis, l’ami de kerkennah, allait jusqu’à dire : « devant ce costume, on pense malgré soi à quelques costumes grecs ou crétois ». ces îles oubliées témoignent ainsi de leur appartenance méditerranéenne par les festivités qui accompagnent les vendanges. comme en sicile ou en sardaigne les femmes portent des robes fleuries. les soirs après tant de travail pénible, les enfants se baignent à la mer, les voisins se réunissent, bavardent, chantent et même dansent sur le son d’un vieux tambourin. bref le kerkenien qui n’a jamais été fanatique, garde, malgré les temps difficiles, les gestes des bons vivants. dommage, on remarque de plus en plus un changement dans les meurs et encore les valeurs qui mettent en cause cet amour de la vie et de l’épanouissement qui ont toujours caractérisé cet insulaire libre.

extrait de kerkennah, Charme insulaire, en danger…. d’abdelhamid fehri – 2011 – publication de la faculté de sciences humaines de sfax et du centre cercina, pour les recherches sur les îles méd. kerkennah, tunisie

 

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